Etat des lieux
Selon l’OMS, l’augmentation du nombre de bactéries multirésistantes était l’un des dix plus grands défis de santé publique en 2019, et le problème continue de s’aggraver depuis plusieurs années. L’approche One Health est indispensable pour s’y attaquer, mais les initiatives menées jusqu’ici restent lacunaires, en particulier concernant les animaux de compagnie. En effet, les programmes internationaux existants ne traitent pas la question des animaux de compagnie, qui sont pourtant quotidiennement en contact avec les humains et l’environnement, ce qui rend leur résistance aux antimicrobiens (RAM) particulièrement préoccupante.
Point sur les données et les programmes internationaux
Au niveau global, l’OMS, l’OIE et la FAO ont adopté le Plan d’Action Globale en 2015 pour contrôler et prévenir la RAM. Cette initiative permet la collection de données sur la santé des élevages des différents pays, sur une plateforme dédiée. Cependant, l’OIE n’inclut pas les données sur les animaux de compagnie.
Au niveau Européen, diverses initiatives, rapports, partenariats ont été créés pour lutter contre la RAM depuis 2009. Par exemple, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) coordonne également divers programmes destinés à contrôler la RAM des animaux de rente. Concernant la récolte de données, la JIACRA (Joint Agency on Antimicrobial Consumption and Resistance Analysis) rassemble les données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM/ECDC), de l’EFSA et l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Depuis 2019, l’EMA analyse la vente et l’utilisation des antimicrobiens conformément aux régulations mises en place par l’Union Européenne, selon 4 catégories indiquant différents niveaux de risques. Ces programmes montrent des résultats encourageants dans la lutte contre la RAM des animaux de rente, sans affecter la production ni les profits.
En revanche, aucun programme ne s’attaque à la RAM des animaux domestiques, alors même que le nombre de chiens et de chats en Union européenne s’élève à plus de 60 millions. Jusqu’à présent, les cliniques vétérinaires de l’UE sont autorisées à délivrer de antibiotiques destinés à l’usage humain. Il existe donc un besoin urgent de contrôle et d’harmonisation entre programmes des pays européens pour pallier le problème de la RAM chez les animaux de compagnie.
Une initiative novatrice de l’Union Européenne en préparation
L’état des lieux du contrôle et des situations épidémiologiques dans les différents pays de l’UE au sujet des animaux de compagnie fait état de grandes disparités. Chaque pays a ses propres programmes et mesures. Seule une petite partie des pays européens incluent des informations sur les animaux domestiques, et le manque de données au niveau national rend impossible une action européenne coordonnée, pourtant nécessaire.
Pour pallier ce problème, l’UE a entrepris de lancer un nouveau Réseau de Surveillance contre les Résistances Antimicrobiennes en Médecine Vétérinaire (baptisé EARS-Vet). Ce réseau viendrait complémenter le Réseau de Surveillance contre la Résistance aux Antimicrobiens déjà existant, et serait coordonné par l’ECDC. Cette démarche est nécessaire à l’aboutissement d’une véritable mise en place de l’approche One Health telle que souhaitée par l’Union Européenne.
Pour lancer ce programme, les données de 13 pays de l’UE ont été récoltées pour analyser leurs programmes nationaux en matière de RAM chez les animaux de compagnie. Six espèces animales ont été retenues pour l’EARS-Vet : les poulets, les dindes, les cochons, le bétail, mais surtout les chats et les chiens, ce qui constitue une véritable avancée. En termes de cibles, le programme se concentre sur les bactéries zoonotiques et commensales, réservoirs potentiels de gènes de résistance. Onze espèces bactériennes ont ainsi été retenues, et trois panels d’antibiotiques ont été suggérés pour commencer (cf article source).
En 2020, l’OMS a créé le Global Leaders Group on Antimicrobial Resistance (GLG), qui aspire désormais à développer un réseau semblable à celui envisagé par l’UE.
Les alternatives à l’administration d’antibiotiques aux animaux de compagnie
Le programme consiste à impacter le microbiote intestinal des animaux, pour permettre à leur système digestif de développer une meilleure résistance contre les bactéries pathogènes. D’une part, cela implique l’utilisation de probiotiques, de prébiotiques, de symbiotiques ainsi que de postbiotiques, plutôt que d’antibiotiques. D’autre part, il est question d’encourager la transplantation de microbiote fécal, qui permet une régénération de la flore intestinale. Une attention particulière doit aussi être portée à l’équilibrage de l’alimentation, la clé de la lutte contre la RAM résidant dans la richesse et la résilience de la flore intestinale. Enfin, les thérapies bactériophages, c’est-à-dire s’appuyant sur des virus s’attaquant uniquement aux bactéries, constituent une piste d’exploration intéressante pour la recherche.
Source : Marco-Fuertes, A.; Marin, C.; Lorenzo-Rebenaque, L.; Vega, S.; Montoro-Dasi, L. Antimicrobial Resistance in Companion Animals: A New Challenge for the One Health Approach in the European Union. Vet.Sci. 2022,9,208. https:// doi.org/10.3390/vetsci9050208
Article rédigé par Marie-Laure Privat