Vers une révolution digitale dans la formation et les soins vétérinaires

Quel est l’avenir du métavers dans le domaine de la santé ? Par Joséphine Verhaeghe, consultante en Affaires Médicales Santé animale chez OHP
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La réalité virtuelle : un changement de paradigme ?

        Lors de la conférence organisée le 29 juin 2023 par le Point vétérinaire, Morgane Soullier, consultante et conférencière spécialisée dans le métavers, nous a exposé les enjeux de la révolution digitale en cours aujourd’hui.

        Tout d’abord une définition, qui ne figure pas encore dans le dictionnaire, mais y fera son entrée en 2024. Qu’est-ce que le métavers ? Il s’agit d’un ensemble de mondes virtuels dans lesquels nous pourrions nous façonner des avatars à notre goût, travailler, nous déplacer, nous habiller, danser, participer à un concert avec plusieurs millions de personnes, interagir socialement et professionnellement, un monde indépendant économiquement dans lequel monde fictif et monde réel se confondraient, et qui nous permettrait de vivre des expériences riches émotionnellement et sensoriellement. Plus de 200 marques aujourd’hui développent ou proposent des plateformes de métavers. Il s’agit d’un marché en pleine explosion, avec une projection de plus de 1500 milliards d’euros à l’horizon 2030, et une estimation de 71,2 milliards d’euros pour le marché du métavers médical.

        Dans ce domaine, les plateformes de jeux sont précurseurs ; elles ont déjà massivement adopté cette technologie. Les prévisions indiquent que le métavers va révolutionner l’ensemble de nos activités, allant du divertissement à la santé, en passant par l’éducation, la productivité, le commerce ou le marketing.
Cette transition fait face à de nombreux défis, notamment :
•  L’équipement nécessaire. Aujourd’hui les lunettes proposées sont encore lourdes, chères, peu agréables à porter et peu accessibles pour l’instant.
•. La nécessité d’une connexion haut débit et de qualité.
•. Un besoin de régularisation et des enjeux de sécurisation des données.

        Une table ronde a réuni plusieurs intervenants du domaine. Thomas Tassin, co-fondateur de la société Mira, a présenté le métavers comme un nouveau médium permettant une refonte totale de notre rapport à l’espace, au temps et aux autres. Comme à la naissance de chaque nouveauté technologique, il y a des craintes. Celles de voir disparaître les médias existants et nos modes de communication actuels. Les opportunités sont pourtant nombreuses : comme au temps de l’apparition de l’écriture, il y aura avec la naissance de ce nouveau médium, une longue période de créativité associée à cette écriture 3D.

        L’école Simplon, qui prépare aux métiers du numérique, propose désormais une formation de Développeur Réalité Virtuelle/Réalité Augmentée ainsi qu’une formation de technicien d’assistance en réalité virtuelle. La formation est essentielle pour le développement technologique, un cadre responsable, éthique et écologique l’est tout autant. Mathieu Giannecchini, directeur général de l’école Simplon a également évoqué les recherches en cours au sein de la fondation du même nom. Ces recherches étudient les enjeux du numérique sur la santé des utilisateurs et l’impact environnemental de ces nouveaux outils. Un livre blanc sur le sujet est à paraître en octobre 2023. Le professeur en informatique, Michel Beaudouin-Lafon, de l’Université Paris Saclay a souligné quelques-unes des difficultés associées à cette nouvelle technologie, notamment celle de régulation car il s’agit d’une technologie en temps réel, ou encore la nécessité de poser un cadre concernant les données personnelles des utilisateurs. « Il est impératif d’appliquer dans le métavers les mêmes règles que celles du monde physique, car il y aura des impacts réels sur la vie des gens » déclare le professeur Beaudouin-Lafon.


        Enfin, Céline Moille, avocate experte en matière de technologie Blockchain (traçabilité, crypto-actifs et autres actifs numériques) a soulevé le défi du cadre réglementaire associé à ces nouvelles technologies. Comment transposer les textes existants, à savoir les codes pénal et civil ? Dans l’état d’esprit des règlements aujourd’hui, ce qui n’est pas possible offline, ne doit pas l’être non plus online. Quid de l’impact environnemental de ces nouveaux Univers ? s’interroge le public. Céline Moille a précisé qu’en 2026, la réglementation va imposer aux entreprises une obligation d’information des consommateurs quant à l’impact sur l’environnement des technologies numériques proposées.

La réalité virtuelle en santé et pratique vétérinaire

        Une seconde table ronde a creusé plus spécifiquement le sujet des outils virtuels en relation avec le domaine de la santé humaine et vétérinaire. Participaient à la table ronde : Nguyen Tran, directeur de l’école de chirurgie de Nacy-Lorraine, Patrick Bergeaud, vétérinaire et vice-président de l’AFVAC, Thomas Cézard, de la clinique Saint Roch Anicura à la Rochelle, et Renaud Tissier, directeur adjoint de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort.

        Selon le docteur Thomas Cézard, le métavers accélère les interactions au sein de la communauté médicale et a l’avantage de diminuer la durée des interventions et les risques encourus. Son retour d’expérience terrain a mis en avant les prouesses médicales réalisées grâce à la réalité augmentée.

        Grâce aux outils digitaux, les possibilités de formation se démultiplient, notamment la chance de répéter un geste technique dans des conditions proches du réel et sans stress émotionnel. « Jamais la première fois sur le patient » est une réalité aujourd’hui à l’école de Chirurgie de Nancy-Lorraine. Le « compagnonnage » numérique présenté par Nguyen Tran est un outil permettant aux étudiants d’être virtuellement présents dans un bloc opératoire lors d’une chirurgie. Et vice-versa : cela permet également au maître ou au spécialiste d’assister à distance à un acte chirurgical. Née en 2006, l’école de chirurgie de Nancy-Lorraine a la vocation de développer des activités de formation et de recherche en chirurgie, dans le domaine de l’innovation médico-chirurgicale multidisciplinaire (téléchirurgie, chirurgie robotique, chirurgie coelioscopique, endoscopique, etc.). Cette structure unique en Europe, valorise également le concept d’Une Seule Santé, puisque le plateau technique est ouvert aux vétérinaires. Patrick Bergeaud a présenté les formations vétérinaires proposées en endoscopie digestive et respiratoire. Des simulateurs vétérinaires sont d’ailleurs en cours de développement.

        Que ce soit en matière de soins ou d’enseignement, la simulation offre de belles opportunités en matière de santé. Une mise en application réussie de ces outils digitaux passera par l’intégration des 3 composantes du One Health, à savoir : la prise en compte des enjeux de santé humaine, le développement dans le secteur vétérinaire et le respect de l’environnement.

 

 

Article écrit par Joséphine Verhaeghe

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