L'évolution des aspirations et des besoins des cadres, des jeunes, mais aussi des seniors
Dans La fin du salariat ? un épisode du podcast Mode d’emploi de l’APEC, Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’APEC, et Laurent Duclos, sociologue, économiste, chef de projet à la DGEFP (Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle), discutent de l’avenir de l’emploi des cadres en France. D’après Laurent Duclos, le taux de salarisation va en s’accroissant depuis plus d’un siècle. Avec 90% d’actifs bénéficiant du statut de salariés, le salariat a ainsi « gagné la bataille historique » en France, et se porte encore très bien. Cependant, les besoins et les situations des actifs évoluent. Les cadres souhaitent en effet davantage d’autonomie et de flexibilité d’organisation sur leur temps de travail. Ils font également largement part de leur frustration quant à la faible marge de manoeuvre qui leur est laissée, ainsi que sur la lenteur des modes de fonctionnement des entreprises. Près d’un cadre sur deux recherchant de nouvelles opportunités serait ouvert à une forme d’emploi alternative au salariat.
Parmi les actifs français, les moins de 35 ans sont les plus ouverts au statut d’indépendant. Si la majorité d’entre eux ont une bonne image du salariat, ils éprouvent néanmoins globalement de la difficulté à s’insérer sur un marché du travail très sélectif à l’entrée. Se lancer en tant qu’indépendant est souvent pour eux le moyen de faire de premières expériences. De plus, les jeunes actifs revendiquent volontiers l’autonomie et la liberté comme valeurs premières au travail. Ils aspirent à la fois à une activité professionnelle à la fois stimulante et à un certain contrôle de leur emploi du temps, et sont presque deux fois plus nombreux que leurs aînés à considérer que les inconvénients du salariat prédominent.
Enfin, qu’ils soient cadres ou non, les Seniors rencontrent également des difficultés d’accès à l’emploi. Selon Laetitia Niaudeau, plus de 100 000 personnes de 55 ans et plus étaient à la recherche d’un emploi de cadre fin 2021, et un grand nombre d’entre eux étaient inscrits à Pôle Emploi depuis plus de deux ans. De fait, les opportunités d’emploi destinées aux seniors sont moins nombreuses, et leur pouvoir de négociation se trouve plus réduit que celui des jeunes actifs. Les nouvelles formes de travail, telles que celles qui requièrent le statut d’indépendant, présentent donc un intérêt particulier dans leur cas également, même s’ils demeurent mal informés sur les formes alternatives d’activité. L’APEC organise ainsi des séminaires et ateliers pour faciliter le maintien en emploi et les contrats de mobilité des 55 ans et plus.
Le défi : Concilier flexibilité et travail collectif
Le salariat consiste en une subordination du travailleur en échange d’ensemble de sécurités, telles qu’un salaire régulier, la protection sociale ou encore les congés payés. Mais depuis une trentaine d’années, on constate une réduction de ces sécurités. En contrepartie, si les employeurs s’efforcent de plus en plus d’évoluer pour proposer davantage d’autonomie et de meilleures conditions de travail à leurs salariés, les résultats demeurent mitigés.
Parallèlement, l’apparition de nouvelles formes d’emploi semblent amorcer de grandes transitions. Relations de travail triangulaires, statuts hybrides entre salariat et indépendance, plateformisation, groupement d’employeurs ou encore portage salarial sont autant d’alternatives au salariat sous sa forme classique, mais peu d’entre elles constituent une forme pérenne et suffisamment sécurisante. Les prévisions faites il y a quelques décennies annonçaient un marché du travail très atomisé, où les travailleurs seraient tous indépendants. Mais, si la flexibilité est aujourd’hui une attente de plus en plus prégnante de la part de la population active, la dimension collective du travail conserve son importance. Beaucoup accordent une grande importance à la sécurité que procure le fait d’être inscrit dans une communauté de travail.
Ni le statut de salarié, ni le statut d’indépendant tels qu’ils existent aujourd’hui ne semblent être destinés à disparaître, mais ils ne semblent plus en phase avec les attentes d’une frange grandissante de la population en quête du « meilleur des deux mondes ». L’enjeu actuel est de concilier sécurité et autonomie, et les questions restent nombreuses. Sans doute nous faut-il de nouvelles formules d’organisation, à même de concilier sécurité et autonomie, et peut-être sommes-nous à un tournant vers l’hybridation des différentes formes d’emploi. Il s’agit en tout cas de faire advenir de nouvelles formes d’organisation permettant à chacun de conserver une certaine autonomie, tout en gardant le sens du collectif et de la projection à long terme.
SOURCE
Article rédigé par Marie-Laure Privat