Quatre dénominations pour un même concept?
One Health, Eco Health, Global Health et Planetary Health semblent désigner à première vue un même concept, et le terme de One Health est souvent utilisé dans un sens élargi, comme concept parapluie pour tous les désigner. Cependant il existe des différences notables entre ces différentes approches, dont il convient de tenir compte afin de mieux comprendre les enjeux. Il n’existe pas de définition formelle de ces approches, mais leur nature ainsi que le degré d’interdisciplinarité qu’elles supposent, ainsi que les valeurs centrales et la vision du monde qui les caractérisent, nécessitent d’établir une distinction. Ainsi, voyons en quoi ces quatre notions souvent confondues diffèrent, et ce que cela implique.
ONE HEALTH ET ECO HEALTH, DES APPROCHES HOLISTIQUES
One Health, une seule santé.
Dans un contexte de mondialisation économique et de porosité des frontières, la récente pandémie de COVID-19 a plus que jamais prouvé la nécessité d’une approche sanitaire interdisciplinaire et internationale. Le terme de One Health est souvent utilisé au sens large, pour désigner toutes les approches sanitaires interdisciplinaires. À l’origine, le concept s’est formalisé par la mise en place d’une coopération tripartite entre l’OMS, l’OIE et la FAO en 2008, avec pour mission centrale la lutte contre les zoonoses. Fondée sur une approche biomédicale, l’approche One Health se préoccupe donc en priorité donc des maladies humaine et animale, tout en prenant en compte la dimension environnementale. Ainsi, l’application pratique du One Health serait plus restreinte que prévu, car il semble exister un manque d’intégration de la dimension environnementale. Si les valeurs du One Health sont la coopération et la multidisciplinarité, le volet concernant l’environnement et la biodiversité est de facto moins investi en l’état actuel.
Eco Health, aussi appelée écologie de la santé.
L’Eco Health met en revanche l’accent sur la prise en compte de l’environnement. Il s’agit d’une approche centrée sur l’impact des risques environnementaux et de la biodiversité, et qui se préoccupe donc davantage d’infectiologie écologique. Elle prend donc en compte les maladies engendrées par la pollution, au contraire du One Health dont l’expression concrète semble plus restreinte. La valeur centrale de l’Eco Health est celle de l’équité entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes. L’approche Eco-Health est par ailleurs plus inclusive en terme de professions, puisqu’elle mobilise également des biologistes et des spécialistes de l’environnement. Néanmoins, une approche plus restreinte de l’Eco Health tendrait à se concentrer sur les risques pour la santé humaine, mettant de côté le pilier de la santé animale.
En ligne avec l’agenda 2030 pour le développement durable des Nations-Unies, l’Eco Health est souvent considérée comme le pilier manquant pour compléter l’approche One Health. Depuis quelques années, des efforts sont faits pour faire fusionner One Health et Eco Health, c’est- à-dire pour renforcer l’importance du volet environnemental dans ce que l’on appelle couramment l’approche One Health.
GLOBAL HEALTH ET PLANETARY HEALTH, DES APPROCHES PLUS ANTHROPOCENTRÉES
Global Health, ou santé mondiale.
Le Global Health est au centre des actions de l’OMS depuis 1993, et son recours est donc plus ancien que celui du One Health. Contrairement au One Health et à l’Eco Health, le Global Health est un concept très anthropocentré, et ne prend pas vraiment en compte les volets sanitaires animal et environnemental. Il ne s’agit pas là d’une approche interdisciplinaire de la santé. Par conséquent, les professions concernées par le Global Health sont principalement les professions de la santé humaine. En revanche, le Global Health se veut transversal dans une dimension politique, et tend à dépasser l’approche locale de la médecine humaine, en prenant en compte la dimension globale de nombreuses problématiques sanitaires. Ce concept repose en effet sur des revendications de justice sociale, partant du constat que la santé est un bien mondial, dans un contexte de mondialisation où les normes et politiques sanitaires diffèrent selon les États.
Planetary Health, ou santé planétaire.
Il s’agit de l’approche la plus récente. Elle apparaît ainsi encore moins concrète et plus large que les proches précédemment citées, mais elle gagne rapidement l’attention des scientifiques et des politiques. Comme le Global Health, le Planetary Health est une approche anthropocentrée, centrée sur l’aspect social de la santé, et qui se pose cette fois en alternative au One Health et à l’Eco Health. Elle repose sur l’importance de l’équité entre les êtres humains, et tend à garantir la survie de l’humanité et des générations à venir. Pourtant, le Planetary Health se veut pluridisciplinaire. Ce concept se base sur la prise en compte du caractère limité des ressources de la planète, pour proposer une approche intégrée, qui s’avère être la plus pluridisciplinaire de toutes. Le Planetary Health reconnaît les limites planétaires de activités humaines, et place la santé des écosystèmes comme la base d’une pyramide à laquelle s’ajoute la santé animale, pour garantir la santé et la survie de l’espèce humaine. Le focus n’est pas placé sur la valeur intrinsèque des écosystèmes, et la santé animale et la santé environnementale sont tout de même prises en compte. En termes de professions concernées, le Planetary Health implique donc la participation de spécialistes de nombreux domaines, mais dans des proportions inégales, contrairement au One Health pris au sens large.
CONCLUSION
En conclusion, les notions présentées dans cet article sont non seulement différentes, mais aussi potentiellement complémentaires. L’approche Global Health est la plus ancienne, et la plus anthropocentrée. L’approche One Health au sens pratique est quant à elle véritablement pluridisciplinaire, mais gagnerait à être complétée par l’approche Eco Health dans sa mise en pratique, afin que les trois piliers sanitaires soient de facto placés à égalité. Mais il est difficile de coordonner les différents domaines de santé, et la question de l’application politique du One Health demeure. La solution serait peut-être d’associer une approche One Health au sens large, conforme à sa définition de départ, avec une approche Planetary Health, afin de créer une synergie entre de nombreuses préoccupations sanitaires, écologiques, sociales, et une gouvernance sanitaire coordonnée et efficace à plusieurs niveaux.
SOURCES
De One Health à Ecohealth, cartographie du chantier inachevé de l’intégration des santés humaine, animale et environnementale.
Morand, S., Guégan, J.-F., Laurans, Y. (2020). Iddri, Décryptage N°04/20.
A theory-focused review in response to calls for convergence.
Harrison S., Kivuti-Bitok L., Macmillan A., Priest P.
EcoHealth and One Health:, Environment International 132 (2019) 105058, Elsevier
One Health and EcoHealth: the same wine in different bottles?
François Roger, DVM, PhD1*, Alexandre Caron, DVM, PhD1, Serge Morand, PhD1, Miguel Pedrono, PhD1, Michel de Garine- Wichatitsky, DVM, PhD1, Veronique Chevalier, DVM, PhD1, Annelise Tran, PhD1, Nicolas Gaidet, PhD1, Muriel Figuie ́ , PhD2, Marie-Noe ̈ l de Visscher, PhD1 and Aure ́ lie Binot, PhD.
Published: 17 February 2016. Infection Ecology and Epidemiology 2016, 6: 30978 – http://dx.doi.org/10.3402/iee.v6.30978
A comparison of three Holistic Approaches to Health: One Health, ecoHealth, and Planetary Health.
Henrik Lerner1* and Charlotte Berg. Frontiers, Journal of Planetary Science. PersPective. Published: 29 September 2017 doi: 10.3389/fvets.2017.00163
Article rédigé par Marie-Laure PRIVAT